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Femmes d’expats, elles assurent!

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Selon une étude française, 91% des conjoints d’expatriés sont des femmes. Pire: un tiers des hommes seulement se déclareraient prêts à suivre leur épouse en cas d’exil professionnel.

© Juan Cruz

La nouvelle a fait le tour du monde. Le 30 août 2018, Ketil Solvik-Olsen, ministre des Transports norvégien, annonçait sa démission. Pas de soupçon de corruption ou de casseroles déterrées par la presse pour expliquer le départ anticipé de ce nationaliste conservateur en poste depuis cinq ans: c’est pour privilégier la carrière de son épouse médecin, nommée dans un hôpital pour enfants aux Etats-Unis, que l’homme d’Etat pourtant parfaitement heureux dans sa fonction a décidé de se mettre entre parenthèses: «C’est au tour de ma femme de poursuivre son rêve. C’est un accord que nous avons conclu il y a de nombreuses années.»

Si ce choix ne surprend qu’à moitié dans le pays, qui se place en deuxième position derrière l’Islande dans le rapport du Forum économique mondial sur l’égalité hommes-femmes, il fait figure d’exception dans un monde somme toute toujours très macho où ce sont généralement les femmes qui interrompent leur parcours professionnel pour suivre leur mari à l’étranger. Selon une étude française, 91% des conjoints d’expatriés sont des femmes. Pire: un tiers des hommes seulement se déclareraient prêts à suivre leur épouse en cas d’exil professionnel.

Des rôles bien ancrés

Pour la psychothérapeute veveysanne Patricia Laedermann, qui reçoit de nombreux expatriés déboussolés par leur nouvelle vie, difficile, malgré l’évolution des mœurs, de renverser la tendance: «Les hommes qui suivent leurs femmes sont très rares et il est très difficile d’inverser les rôles classiques. Dans la société actuelle, ça ne passe pas facilement. Et puis, sans être sexiste, les femmes sont plus multitâches que les hommes, donc bien plus capables de gérer tous les aspects de cette nouvelle vie en même temps.»

J'exerce mon métier à l'autre bout du monde

Parmi les 751 800 Suisses qui, en ce moment même, vivent hors de nos frontières dans quelque 200 pays à travers le monde, nombreux sont ceux qui se sont laissé tenter par une expérience professionnelle ailleurs. Qu’ils partent en contrat d’expatrié (envoyé, avec un paquet d’avantages, par la boîte dans laquelle ils exercent déjà) ou en contrat local (lorsqu’on décroche un job soi-même sans avantage particulier), en France, aux Etats-Unis, en Asie ou en Australie, les destinations parmi les plus prisées par les propriétaires de passeport rouge à croix blanche, la décision impacte toute la famille. Et redessine ses contours.

Conscientes de ces bouleversements, nombre de multinationales proposent, en dehors de contrats de relocation qui aident à trouver un logement ou une école, des programmes d’accompagnement plus personnalisés pour les membres de la famille. Nouveauté, elles sont de plus en plus enclines à proposer un soutien à l’épouse qui souhaite poursuivre une activité professionnelle. A l’image de l’allemande Siemens qui pratique, au sein de son Global Mobility Center «l’implication du conjoint» à travers notamment un soutien spécial appelé Spousal Support pour ses quelque 2000 employés expatriés.

Car les employeurs qui parient, et investissent, temps et argent sur leurs meilleurs poulains, le savent bien: la réussite d’une expatriation est indissociable du bien-être de la famille tout entière. A la tête de Welcome Service, à Genève, une société familiale de relocation qui accompagne les familles étrangères venant s’installer en Suisse (une destination d’expat très prisée), dans toutes les étapes de leur installation, Laetitia Bédat a ses petits trucs de pro pour que l’aventure ne tourne pas au fiasco:

«L’épouse est souvent notre premier interlocuteur. On ne visite jamais de logement si madame n’est pas là et on fait preuve de bon sens: on n’installe pas une famille dont on sait que le papa voyage beaucoup dans un endroit isolé.»

Couples à l’épreuve

Ces spécialistes du départ en terre inconnue font preuve de trésors de psychologie pour accompagner des situations qui mettent à mal les repères familiaux. La barrière de la langue peut ainsi transformer chaque démarche en parcours du combattant, tandis que la femme, tiraillée entre le bien-être de son époux, le bonheur de ses enfants et ses propres aspirations, peut frôler la crise de nerfs. La psychothérapeute Patricia Laedermann précise: «Il est toujours difficile de s’expatrier, surtout si c’est plusieurs fois à la suite. Pour celle qui reste au foyer, qui doit aller au-delà de la barrière de la langue, c’est limitant. Il s’agit d’un très gros travail, d’autant plus qu’il y a des pays où existe un code expat, qui peut être très lourd.»

Côté couple, malgré des destinations parfois paradisiaques, ces années au loin ne sont pas forcément des lunes de miel. «L’expatriation génère du stress et ce stress peut se gérer de deux façons différentes: soit l’un avec l’autre, soit l’un contre l’autre. Dans ces situations, il faut parler de tous ses deuils personnels, de toutes ces choses qu’on a eu l’impression de sacrifier.» U

Anne-charlotte Richard, à New York depuis 2014


© DR

«J’ai des amies qui ont souffert de devoir faire une croix sur leur carrière.»

A la tête, avec une amie, de sa propre marque de vêtements pour enfants en coton bio et éthique depuis treize ans, La Queue du Chat, Anne-Charlotte, chargée de la partie créative, a tout loisir de la gérer à distance. Heureusement, car la famille a la bougeotte! Après trois années passées à Singapour, la Française d’origine est installée depuis quatre ans à Brooklyn avec ses deux enfants Cassandre, 8 ans, Maxence, 6 ans et son mari Jean-Christophe, employé par Nespresso.

De son expérience asiatique, Anne-Charlotte garde un souvenir mitigé: «Nous étions ravis de partir car nous adorions l’Asie, mais c’est une ville d’expats. On y vit dans une bulle et on ne se mélange pas avec les locaux. Cela nous a un peu déçus.» A New York, par contre, où la famille a posé ses valises dans le bourdonnant quartier de Brooklyn, le quotidien est tout autre: «On est chez nous, on a vraiment fait notre trou! Les enfants vont à école publique et nos amis sont Américains, donc on fréquente vraiment les gens du coin. Exilée de l’autre côté de l’océan pour une durée de trois ans, Anne-Charlotte et les siens profitent à fond de cette opportunité:

«Le fait d’être dans cette ville nourrit ma créativité. Pour mon job, c’est un vrai plus.» Des femmes d’expats au bord de la crise de nerfs, Anne-Charlotte en a connu: «Il faut vraiment faire l’effort de parler la langue et si possible se trouver une activité professionnelle.»

Claire Tshann, à Hong kong depuis 2 ans


© DR

«Je savais que dans cette aventure, c’était moi qui aurais le plus à perdre.» Il y a quelques jours, un puissant typhon balayait Hongkong. Pour Claire, 41 ans, et son mari Nicolas, cadre chez le constructeur automobile Infinity, pas de dégâts à signaler. Tout juste si Victor et Timothée, leurs fils de 10 et 8 ans, ont eu droit à quelques jours sans école. Médecin, Claire avait déjà quitté la France en 2007 pour suivre Nicolas dont la société s’installait à Rolle (VD). En Suisse, elle avait dû refaire quelques années d’assistanat pour pouvoir exercer ce métier qu’elle adore.

Là, la famille fait son nid: «Les enfants y sont nés, c’était chez nous, on s’y sentait très bien.» En 2016, pourtant, la famille s’envole pour l’Asie: «On venait de changer de maison trois mois auparavant, c’était un déchirement de partir. Mais on était conscients que l’expérience allait énormément nous apporter.» Côté carrière, Claire est devant un dilemme: «Je savais que ça allait être compliqué, que je risquais de ne plus pouvoir exercer ce métier qui me remplissait. En outre, je n’avais jamais pratiqué en anglais.» Aujourd’hui, la famille vit pleinement et avec bonheur son aventure asiatique:

«On imaginait que la vie serait difficile dans cette ville de gratte-ciel et de voitures, mais nous habitons au sud de l’île, près de la plage, c’est agréable.»

Côté pro, Claire s’investit désormais au sein d’une association qui aide les employés de maison, les Helpers comme on dit là-bas: «Je m’occupe du suivi de ces femmes, souvent des Philippines qui ont peu de droits, pendant leur grossesse. Je suis aussi leurs bébés. Je ne peux pas faire d’acte médical ni prescrire de médicaments, mais c’est passionnant. Et le fait de travailler avec des Hongkongais me donne une autre vision de cette vie d’expat.»

Claire Chappuis, à Londres depuis juillet 2018


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«Nous rêvions depuis longtemps de vivre une expérience à l’étranger.»

Maman d’un petit Alexandre âgé de 3 ans et demi, Claire, 40 ans, a quitté Lausanne et un poste de communication au sein du Musée cantonal de géologie pour suivre son mari Julien, engagé par Google à Londres. Ce départ a été accueilli avec joie par la petite famille, ravie de vivre cette aventure à trois, même si Claire concède quelques pincements au cœur:

«Je suis très proche de ma famille, de mes parents, qui vivent à Tolochenaz (VD), et de ma sœur qui a aussi de jeunes enfants. Puis, niveau professionnel, je venais de changer de poste, je me sentais bien, j’avais un bon chef, de supercollègues… mais nous rêvions depuis longtemps, mon mari et moi, de vivre une expérience à l’étranger.»

C’est Google qui prend en charge le déménagement et le logement provisoire à London Bridge. Pour Claire, «c’est une grande aide, qui permet de prendre son temps pour trouver LE bon endroit où s’installer. Toutefois, nous avions vraiment hâte de trouver notre logement, d’autant plus qu’Alexandre, perturbé par le déménagement, ne parvenait plus à s’endormir tout seul.» Une fois la maison (victorienne!) dénichée, moins de trois semaines plus tard, la petite famille s’installe, tout le monde prend ses marques et l’aventure peut commencer.

Après quelques aléas, notamment des cartons de déménagement perdus et une cave qui prend l’eau, Claire s’empresse d’aménager leur nid. Alors que Julien commence son nouveau travail, Claire et Alexandre profitent de partir à la découverte des innombrables musées et parcs de Londres en attendant que l’année scolaire recommence.

Une fois Alexandre ayant commencé la nursery school, Claire se sent vite intégrée. «Les gens ici sont très accueillants, j’ai rapidement créé des liens.» Côté job, Claire souhaite travailler à nouveau dans la com à temps partiel et a également décidé de mettre à profit cette vie londonienne pour mener à bien un projet musical. «Avant de rencontrer mon mari, je m’étais déjà expatriée à Vienne puis à Los Angeles pour vivre ma vie de musicienne et de chanteuse. Je compte bien profiter d’être établie dans une des villes les plus riches en événements musicaux au monde pour m’y remettre!»

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